mercredi 24 septembre 2014

LA VALLEE DE POLIGNAC

27.      LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU - II -                 photo prise le 20/02/2014
Nous sommes en 1968. Un peintre paysagiste polonais, de passage dans la ville et dans le coeur des ruisséens , s’arrêta à une vingtaine de mètres plus haut, de l’entrée supérieure de l’ex stade du J.U.D.B. Derrière lui, le sentier qui mène au château seigneurial. Il resta un long moment à scruter du regard ce beau paysage ruisséen. Charmé par ce magnifique site pittoresque, il posa le trépied de son chevalet, légèrement en bordure de la chaussée, et imprégnera d’une longue touche de vieux maître, ce bel univers, qui semble ravi de poser pour la postérité. On aurait dit un paysage provençal, sorti tout droit d’un merveilleux roman de Marcel Pagnol. Un membre de la famille des Bellazougui, connu sous le sobriquet de « la terreur », lui proposa à bon prix, l’achat de cette magnifique œuvre d’art. Une offre qu’il déclina poliment. Farid Zitouni et Sid-ali Daïk l’invitèrent ensuite à se rendre au Plateau pour mieux magnifier ce beau panorama, qu’est la baie d’Alger.
C’est le Ruisseau qu’on déshabille et qu’on redéshabille et qui pose une dernière fois comme pour fêter l’évènement.
Une fratrie de vieilles maisons amoureusement blotties les unes derrière les autres, comme pour mourir d’une belle mort. C’est le Ruisseau qui tente un dernier sursaut. Le sursaut de la fin.
Belle, très belle cette Italie, encore plus belle cette région de Toscane, où l’on voit pareilles villas entre les provinces de Sienne et Florence, dotées toujours de l’esprit et l’éclat d’antan. Une nature divine, si belle, et si chère à Léo FérréIci , il y cherchera et trouvera, au côtés de Marie, son épouse, une méditation dans les mots, le bonheur, la souffrance, la mort, l’amour, la nature, la solitude, l’idéal…     
Remarquons sur chaque photo qui va suivre, la lourde masse de béton qui viendra troubler et enlaidir le charme fulgurant de ce petit patelin de style italien.
vieille mémoire des années 60.

28.      LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU- III -               photo prise le 12/10/2013
Pour y accéder à cet immeuble, caché sur la photo, qui porte le n° 58, et à cette petite terrasse qui domine l’Oued-Kniss, le Hussein-Dey et les hauteurs de Kouba, on emprunte de longues marches qui nous mènent tout droit vers les familles Benzine, Mohemmi et « l’Espagnol ».
On gardera longtemps en mémoire l’image de ce vieux monsieur, coiffé d’une casquette grise à carreaux, claudiquant de la jambe gauche, et qui passait une bonne partie de son temps à arracher de l’herbe verte, au stade du J.U.D.B, pour ses petits lapins.
Engagé aux côtés des républicains, ce vieil homme fut blessé à la jambe gauche par les troupes de Franco, lors de la guerre civile d’Espagne, en 1936.
N’oublions pas la petite Z. et S. et le vieux Boudjemaâ.
« Cette photo a été prise aux environs de 17h30 du soir, un mois d’octobre 2013. Privée de soleil et de la clarté du jour, elle offre l’image lugubre d’un paysage scandinave totalement déprimé. »
vieille mémoire des années 60.

29.      LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU - IV -              photo prise le 12/10/2013
Adossée à l’immeuble cité précédemment, et comme pour mieux se faire oublier, une maison simple et modeste. Elle appartient à cette petite famille originaire d’El-Asnam, les Bendjaballah, dont le frère aîné et tuteur, fut receveur dans les lignes de la Régie Syndicale des Transports Algérois.
On remarque sur la photo, un premier compartiment et une grande terrasse, qui n’auront rien de classique, et qui iront même abâtardir le charme ancien de cette petite maison coloniale.
La grisaille du soir d’un mois d’octobre, un brin de soleil qui réapparaît timidement sur un paysage en mal de vivre, on aurait dit, cette fois, un village de Bengale (Calcutta) dans l’Inde britannique.
« Non, non, ne rougis pas, tu as, tu as … toujours de beaux yeux… »  disait la chanson. 
vieille mémoire des années 60.

30.      LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU - V -                photo prise le 20/02/2014
Une petite maison coloniale située au rez-de-chaussée, avec deux grands garages au niveau du sol. Elle est aussi simple que l’est cette famille native de Sétif, nommée Chenaït. C’est l’un des fils des Chenaït, prénommé Laïd, qui eut à effectuer, en compagnie de son apprenti, des travaux de plomberie, à l’intérieur du jardin d’essais. Djaâdi, qui s’activait, ce jour là, à retirer l’ancienne conduite pour la remplacer par une nouvelle tuyauterie, butta accidentellement sur une mine enfouie sous terre qui, après avoir été légèrement manipulée, lui explosa entre les doigts. C’était au tout début de l’année 1972.
Il est fait état dans mes précédents recueils, qui datent de près de huit ans, de l’origine de cette mine, coupant court aux supputations de certains esprits malveillants qui attribuèrent à tort la pose de cet engin explosif à des éléments de l’O.A.S ou à des nostalgiques de l’armée française.
On remarque sur la photo la demeure des Chenaït, en premier plan, suivie de ce beau, très beau pavillon, des Ouridjel. Notons par ailleurs le contraste frappant d’une couleur  vive et gaie opposée à celui d’un cliché morne et insipide (Photos N°s 28, 29, 32).
« C’était le temps des fleurs… » disait la chanson. 
vieille mémoire des années 60.

31.      LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU - VI -              photo prise le 20/02/2014
Une magnifique demeure bourgeoise de type provençal, comme on en voit très peu de nos jours. C’est la charmante propriété des Ouridjel, une vieille famille d’aristocrates, aux origines turques, fort connue dans le Tout-Alger. On évoquait souvent l’histoire de cette noble descendance turque, qui se trouvait déjà installée à Alger, bien avant l’occupation française en Algérie. La grand’mère des Ouridjel, … née vers la fin du XIXe siècle, me parlait en ces premières années 60, de la présence des carnassiers qui rodaient toujours à Alger, du temps où elle était encore petite fille.
Une petite propriété de charme où émerge par endroit, et comme par magie, le caractère et l’esprit de la vieille époque.
Tout le charme de l’ancien, avec un beau jardin fleuri à l’intérieur, et une jolie vue très dégagée, sur les collines de la forêt Messoussi.
On remarque sur la photo, ce petit pavillon de caractère, peint en blanc, qui réclame tout juste quelques menus travaux de réfection.
Les Ouridjel y hébergèrent entre l’année 1966 à 1968, deux couples français, dont les femmes, très belles et très élégantes, y exercèrent une séduction toute particulière sur les « jeunes loups ».
N’oublions pas « Khalti Y. et F. et la petite M. aujourd’hui médecin, ainsi que Sid-ali, le fils cadet de la famille, un artisan frigoriste dont les locaux se trouvaient au bas de ce joyau de charme.
Une belle propriété de charme à préserver
vieille mémoire des années 60.

32.      LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU - VII -      photo prise le 12/10/2013
Une discrète et spacieuse villa de maître, très ouverte sur le Ruisseau, avec une magnifique véranda (h) de forme octogonale. Une construction qui relève d’un style unique en son genre. On y domine de l’intérieur de cette baie vitrée l’ex stade du J.U.D.B, l’ex Usine Blanc, l’ex Maison Ricard et les vertes collines de la forêt Messoussi, aujourd’hui défigurées par un amas de béton. C’est la propriété des Krimat, dont le père de famille fut chauffeur dans les lignes de la Régie Syndicale des Transports Algérois.
Beau ce citronnier, qui fut tout heureux d’exhiber, en ce temps là, des citrons gros, aussi gros que des fruits de pamplemousse, et dont j’ai eu le plaisir, tout petit, d’y agrémenter les plats de notre cuisine.
Un type d’élévation anarchique dont les causes sont liées à une forte explosion démographique et à l’éveil d’une surpopulation longtemps confinée dans un espace réduit.
Un Ruisseau tourmenté qui s’efforce de sortir de sa torpeur. Mais…
vieille mémoire des années 60.

33.      LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU - VIII -            photo prise le 20/02/2014
Une belle et vaste maison de charme, noyée derrière une longue rangée d’arbres touffus. Elle dispose beaucoup plus bas, de plusieurs locaux à usage commercial. C’est la propriété des Bellazougui frères, originaires de Sidi Aïch, en petite-kabylie. Travailleurs acharnés, ces derniers en firent de ce bel emplacement un dépôt de bouteilles de gaz Primagaz*, qu’ils commercialisèrent longtemps, aussi longtemps, que dura la marque Primagaz en Algérie.
N’oublions pas « la terreur », Aïssa, Moussa, Fodil, Nadir.
vieille mémoire des années 60.

PRIMAGAZ : Spécialisée depuis les années fin 40 dans le traitement et la vente de gaz liquéfié, la Société de Distribution Africaine de Primagaz dispose de deux bureaux. L’un situé au … bd Saint Saëns et l’autre au … avenue Roumaine à Constantine. La Société Primagaz fut sous la coupe d’un P.D.G nommé Paul Ranchon, dont le siège se trouvait au 26, rue de Londres, Paris 9ème.

34.      LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU - IX -               photo prise le 20/02/2014
Un doux et vaste logis, en forme d’un petit hôtel, où cinq familles, les Bessah, les Djaâdi, les Mustapha, les N…., et les B…. occupent chacune un trois pièces cuisine, salle de bains. Une maison d’hôtes ou fondouk* qui rappelle une suite de bain-maure.
C’est lui, l’un des fils des Djaâdi, prénommé Saïd, jeune apprenti plombier, qui eut les doigts littéralement arrachés par la déflagration d’une mine dissimulée sous les plantes du jardin. C’est ici que résidait également B … une figure emblématique de la vieille génération de l’époque. Le fez posé sur la tête, le costume croisé, quelquefois gris, noir ou bleu, une montre à gousset suspendue à une chaînette et dissimulée dans la poche interne du gilet, des souliers à bouts pointus, B… incarnait allégrement l’image des vieux notables musulmans, (Cadis, notaires, bachaghas, industriels…). Il ne cessait de nous séduire par son look à la Messali-elhadj, Benchikou, Tamzali*… . Fier ce monsieur, qui après avoir serré la main de de Gaulle, lors d’une tournée de ce dernier, en Kabylie, lui lança « mon Général, vous êtes un grand homme… ».
N’oublions pas la belle F. aux longs cheveux noirs et la petite « Blanche-neige ».
vieille mémoire des années 60.

FONDOUK : il puise ses origines dans le vocable arabe et signifie hôtel. Une appellation qui remonte à l’ère où l’administration coloniale attribua à la localité de Khemis Khechna l’éponyme de Fondouk. Ceux qui venaient de loin, et nombreux, pour s’y ravitailler dans son souk, y passaient généralement la nuit, pour repartir le lendemain. Ainsi, Fondouk ou Khemis Khechna y assuraient le gîte ou le « fondouk ». Elle fut longtemps taxée de pôle géographique, en raison de sa vocation de ville marchande et hôtelière qui la relie aux faubourgs avoisinants, et qui ont pour noms : Ouled-Moussa ex St Paul St Pierre, Bekalem ou Meftah ex Rivet, Larbatache ex Maréchal Foch, Dar-el-Beida ex Maison Blanche, Lakhdaria ex Palestro, Zemmouri ex Courbet, Si-Mustapha ex Félix Faure, Naciria ex Auxervilliers, Thénia ex Ménerville, Tidjelabine ex Belle fontaine, et Boudouaou ex Alma. Quant à Rouiba et Réghaîa, ils n’ont pratiquement pas changé de noms.

TAMZALI : Spécialisée dans la commercialisation d’huile de céréales et de denrées alimentaires, la Ste anonyme des Ets Tamzali Mustapha se trouvait au Quai Nord. Voûte 72, à Alger.

35A. LA VALLEE DE POLIGNAC -X- LE RUISSEAU -
La Famille ZITOUNI
photo prise le 02/03/2014
A côté de celle-ci, une belle maison de maître. Elle dispose d’une vue imprenable sur les hauteurs environnantes. C’est la propriété de l’honorable famille des Zitouni. D’ici, on y domine aisément le vert champêtre de la forêt Messoussi, et l’ex cimetière de voitures, aujourd’hui, un bel ensemble de trusts bancaires.
Les Zitouni, le cliché parfait de l’authentique famille algéroise aux origines turques, fort connue et fort respectée au Ruisseau. Elle appartient à la même lignée ottomane que les Ouridjel, et jouit d’une forte estime dans l’algérois. De longues et vieilles traditions musulmanes unissaient ces deux vieilles et grandes familles.
On y parlait, en ces années soixante, de cette famille des Zitouni, dont les arrières grandes-mamans auront apporté une touche sublime dans l’habit d’apparat du vieil Alger : le haïk citadin, le gilet brodé au fil d’or, le foulard joliment ajusté sur la tête, et le seroual échancré… Véritables cordons-bleus, elles auront contribué également à l’enrichissement de l’art culinaire traditionnel, et à sa diversité, et à la confection même de gâteaux aux origines algéroises, tels que, Ghribia, Tcharak, Makrout, Samsa, Beklaoua, Dziria, M’hancha, Skandrania.
N’oublions pas les vieux El-Hadi, Ahmed, les enfants, Malek, Farid, Merzak, Chafik, et les grandes demoiselles, B, D., N.
vieille mémoire des années 60.

35B. LA VALLEE DU MONT-FLEURY
La Famille OURIDJEL « Papy ou les bêtises de cambrai »

A l’opposé de cette coquette demeure de charme, comme pour accoler le Ruisseau au Mont-Fleury, on y aperçoit la résidence des Ouridjel. Pour s’y rendre, on y emprunte un long chemin en forme de queue de serpent qui prend naissance du côté des Ets Cauvin-Yvose.
Merzak Ouridjel , frère du précédent, hérita de son grand-père paternel, gros fabricant de bonbons à la Casbah d’Alger, le métier tant convoité, à l’époque, de confiseur. Merzak fut le premier à lancer à Alger et au Ruisseau les pastilles Valda, les berlingots, les réglisses et les boîtes de Zan*, qu’il dota de l’effigie de son fils Djamal, et qu’il surnomma Zan Papy. Un Djamal, ou petit Papy qui ressemblait étrangement à son grand-père paternel. Cette fois, on n’est pas loin des « bêtises de Cambrai ». Par son talent de grand-maître bonbonnier, Merzak détrôna et de loin, les blidéens, ces gros amateurs de bonbons qu’il approvisionnait régulièrement, et qui lui enviaient jalousement ses recettes.
Ancienne salle de baby-foot, l’ex atelier de confiserie de Merzak Ouridjel jouxte la gargote de Khiar, voir photos N°s 30/31/32 1ère partie, et offre une vue légèrement oblique sur l’ex salon de coiffure de Fuentes… On se trouve à quelques petits pas, à la gauche de l’ex cinéma Stella.
Séducteur de la première heure, Merzak eut à 17 ans une amie, qui deviendra peu-après, une grande star de la chanson algérienne.
N’oublions pas le vieux Banos, Zino, Ali, et le petit Abdenour.
vieille mémoire des années 60.
ZAN : Petite pastille en forme d’une lentille, légèrement renflée en son centre, de couleur noire, et d’un goût amer, qu’on glisse sur la langue pour empêcher l’odeur nocive du tabac de s’y infiltrer, ou la mauvaise haleine de s’y répandre.

36. LA VALLEE DE POLIGNAC LE RUISSEAU - XI -                  photo prise le 20/02/2014
A la droite de la charmante propriété des Zitouni, comme acculées dans leurs parties arrières, et comme pour mieux servir de derniers retranchements, de vieilles bâtisses de murs en pierres, à l’abri des vents. A l’intérieur, on y distingue une grande cour et plusieurs maisonnettes agrippées les unes aux autres. Un grand refuge et une grande coterie familiale, où se retrouvent les Bacha Omar, les Malek Linani et deux ou trois autres familles. C’est ici, que se trouvait, jusqu’à l’année fin cinquante la grande maison de …… précédemment citée, il y’a près de huit ans dans mes premiers recueils.
N’oublions pas la jolie petite Kh.
vieille mémoire des années 60.

37. LA VALLEE DE POLIGNAC -LE RUISSEAU - XII -         photo prise le 20/02/2014
Comme pour clore une dernière fois le charme fou de cette petite vallée, naguère, calme et paisible, la douce chaumière de Benyousssef. Perchée sur un mamelon de terre, le dos offert aux falaises, et le flanc droit dégarni, et livré au précipice, on aurait dit la hutte d’un berger auvergnat. On ne passe pas par ici, sans être intercepté par cette cabane, faite de branchages et de terre sèche, qui est là, à surveiller les entrées et sorties. Elle, qui n’appréciait guère le voisinage de cette bâtisse, ne cesse de lorgner du regard cette grande cour, qui n’en finit pas de l’irriter*. Jadis, on empruntait ce petit sentier pour se rendre au Plateau*, non sans voir ces petits singes voltiger d’un arbre à un autre, ou ces lapins de garenne détaler à la moindre approche.
vieille mémoire des années 60.

IRRITER : Nous sommes dans les années 50. Ils continueront « de se regarder en chiens de faïence » jusqu’à l’année 1968.
PLATEAU : Un terrain de foot à flanc de coteau situé sur les hauteurs du Mont-Fleuty. Il doit son nom à une forte concentration de sédiments acides qui, transportés par l’air marin et autres agents atmosphériques et qui, déposés sur une terre sèche et basse, favoriseront à longue échéance la formation d’un plateau.
« Ma cabane est en branches et le lit est en bois… » disait la chanson.


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